Combien la passe ?
Sur le trottoir d'en face, j'ai vu une femme errer,
Seule et belle, foulard vieillot autour de la peau.
Sur le trottoir d'en face, j'ai vu un homme s'approcher,
Laid et prédateur, les mains enfouies tout au fond de son manteau.
L'homme a fait mine de ne pas la voir et pourtant,
Une fois à sa hauteur il a, tête baissée, glissé un mot.
Elle, regard fixement posé sur lui, a répondu,
Par réflexe ou par survie, mais sans l'ombre d'une envie.
Ils se sont enfoncés dans un couloir, sombre et étroit,
Vers le fond d'une arrière-cour miséreuse,
Alcôve libératrice pour lui, payant de son argent,
Geôle pour elle, prisonnière payant de sa personne.
Plus tard ils sont ressortis.
Elle derrière et lui devant, le pas pressé.
Sans un regard pour sa victime et j'imagine,
Sans l'ombre d'un remords pour ce viol consommé.
Sur le trottoir d'en face, j'ai vu une femme errer,
Salie et bafouée, seule à en crever,
Tendant le maigre billet à un deuxième homme,
Tout aussi lâche et encore plus laid que le premier.
De mon trottoir à moi, je l'ai vu lui aussi,
S'éloigner d'un pas pressé, les mains enfouies tout au fond de son manteau.
Je suis allé vers elle et lui ai proposé un café.
De son accent typé elle n'a pas su me répondre,
Autre chose que la triste valeur de son amour tarifé.